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PORT-ROYAL.

table d’acier sous le compas[1], — cet esprit, dans la netteté parfaite et la vigueur de ses délinéaments, ne restait pas froid et incolore ; mais il y unissait chaleur et lumière ; et cette chaleur, cette lumière, cette couleur, en se versant par rayons, ne brouillait rien, ne rompait rien, n’élevait nulle vapeur, n’excédait pas le dessin primitif, n’en suivait et n’en illustrait exactement que le réseau, le peignait seulement plus distinct et le faisait vivre, et semblait aussi primitive, aussi essentielle elle-même en ce merveilleux esprit que les toutes premières traces. Ainsi donc, géométrie forte et neuve, aperception nette et subtile, éloquence, agrément, passion enfin dans les strictes lignes du vrai, il unissait toutes ces sortes d’esprit. — Nous en sommes toujours à sa jeunesse.

Jeune pourtant, et à cet âge où nous le suivons, l’éloquence était ajournée encore, au moins dans ses produits appréciables, et toute l’application allait aux sciences. Son père, qui le laissait la plus grande partie du jour sur le grec et le latin, l’entretenait, pendant et après les repas, de logique, de physique, de mécanique, et cette diversion prenait si fort sur le jeune esprit que dès lors, sans qu’on y fît assez d’attention, la santé du corps en reçut chez lui de profondes atteintes. Ce fut à travers ces altérations commençantes qu’à l’âge de dix-neuf ans, Pascal inventa sa machine arithmétique, destinée à abréger les opérations de calculs. L’exécution et la mise en train de cette machine lui coûtèrent peut-être plus de tracas, que la conception ne lui avait coûté d’effort. Il eut la patience d’en faire plus de cinquante modèles tous différents, d’ébène, d’ivoire, de cuivre, avant de s’arrêter au définitif ; il fallut dresser des ouvriers, se

  1. Ainsi, pour tout ce premier ordre de qualités, l’esprit d’un Laplace, par exemple.