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LIVRE TROISIÈME.

aise de le rendre à une si aimable famille. » Car, ajoute une des Relations[1], il la voyait toute devant ses yeux ; le jeune Pascal (âgé de près de seize ans), sa sœur Gilberte (depuis madame Périer, âgée de dix-neuf), étaient présents, tous deux parfaitement beaux. Alors la petite reprit d’elle-même qu’elle avait encore une grâce à demander à son Éminence, et, le Cardinal l’encourageant à dire, elle le pria que son père eût l’honneur de le venir remercier de sa bonté. À quoi le Cardinal répondit : « Non-seulement je vous l’accorde, mais je le souhaite : qu’il vienne me voir et qu’il m’amène toute sa famille. »

M. Pascal, qui se trouvait pour le moment caché en Auvergne, fut averti en hâte de revenir à Paris : il se rendit aussitôt à Ruel pour remercier le Cardinal, lequel, apprenant qu’il venait seul, lui fit dire qu’il ne le voulait point voir sans sa famille. Il revint donc le lendemain avec ses trois enfants. Le Cardinal leur fit mille sortes d’amitiés, dit à M. Pascal père qu’il connaissait son mérite, et qu’il était ravi de l’avoir rendu à une famille qui demandait toute son application ; il ajouta : « Je vous recommande ces enfants : j’en ferai un jour quelque chose de grand.»

On admire, on aime peu Richelieu ; au point de vue de Port-Royal, il apparaît surtout très-peu aimable ; mais, homme de génie et d’action comme il est, œil d’aigle et qui sonde les hommes, j’aime ses pronostics, et j’y crois volontiers, soit qu’ils tombent en promesses magnifiques sur le front du jeune Pascal, soit qu’ils planent plus soupçonneux et plus sombres, mais de signification non moins expresse, sur le front d’un Saint-Cyran. Ce fut peu après ce moment que le Cardinal et le Chancelier envoyèrent en Normandie M. Pascal comme

  1. Recueil d’Utrecht, (1740), page 241.