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PORT-ROYAL.

consolable angoisse d’une âme généreuse, qui, au moment d’entrer dans l’accomplissement triomphant de son vœu, se voit comme frustrée par sa famille, et réduite à être peut-être reçue par charité. Elle en souffre, elle ressent amèrement cette injustice, elle se reproche de la trop ressentir pourtant ; car il y a dans ce genre de souffrance un reste de fierté de famille, une dernière résistance contre l’entière merci chrétienne : elle est près d’en mourir.

C’est donc tout un drame, je le dis, un drame que cette qualité de sœur de Pascal, et que le personnage de Pascal lui-même, le principal adversaire, intéressent et relèvent pour nous. Et combien de drames ainsi en jeu au sein des âmes chrétiennes, c’est-à-dire de celles, entre toutes, qu’habitent la délicatesse et le devoir ! Là où la vie semble le plus réglée, le plus calme, que d’orages couvant ou roulant devant Dieu ! Parmi vous, pieux et délicats, regardez à l’entour, et sondez-vous ! Ce n’est pas peut-être au sujet d’une entrée au couvent sans dot ; on n’entre plus guère au couvent ; mais c’est pour quelque faute, pour quelque sentiment dont le scrupule s’effraie, c’est sur quelque point intime, que l’orage grossit et s’élève. Tout a l’air calme dans la vie ; pas un événement sensible, apparent ; et l’on souffre, et l’on meurt !

Quand j’avance que la sœur de Sainte-Euphémie faillit en mourir, je n’exagère pas. Moins de dix ans après (4 octobre 1661) nous la verrons mourir de douleur et de scrupule d’avoir signé, et, comme elle le dit elle-même, première victime du Formulaire. N’est-ce pas mieux connaître Pascal, que d’étudier près de lui l’âme d’une telle sœur ?

Or, vers mai 1653, la sœur de Sainte-Euphémie, après un an de noviciat et près de faire profession, écrivit à ses parents, M. Pascal, M. et madame Périer,