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APPENDICE.

menades et l’esprit (tendu) dans nos lettres familières. » Cette prétention, dont même alors on voyait très-bien le ridicule, eut pourtant son utilité par l’importance qu’on fut averti de mettre au mouvement habituel et à l’expression de sa pensée. »

« Pour bien apprécier le genre d’influence de Balzac, cet excellent rhéteur et ce professeur de rhétorique de son siècle, et dont le premier Recueil épistolaire, qui fit éclat, parut en 1624, il faut un peu examiner où en était la prose à ce moment, de quelle façon la maniaient les principaux écrivains, et ce qu’elle laissait surtout à désirer (au milieu même de ses autres qualités) sous leur plume abondante et dans l’usage courant qu’ils en faisaient. »

« En un mot, quelle était la forme de langue que le seizième siècle léguait au dix-septième, et quelle sorte de travail et de réforme réclamait-elle ? »

« C’est là un curieux problème et qui demanderait, pour être traité, une méthode précise, une analyse complète, exacte, des principaux auteurs de cette date, une comparaison de leurs habitudes de langage, de leurs formes de phrases, une dissection grammaticale dirigée par un goût fin et sûr. Je ne veux que poser ici le problème et l’agiter en quelque sorte, en donner la solution en gros, sans me flatter d’en suivre toutes les circonstances et tous les cas dans le détail. »

« Quels sont les principaux écrivains en prose de ce temps, de ce règne de Henri IV et des premières années du dix-septième siècle ? Énumérons :

Charron, dont le livre de la Sagesse parut en 1601 ;

D’Aubigné, dont l’Histoire universelle parut en trois tomes successifs, 1616, ou plus exactement 1618-1620 ;

Du Plessis-Mornay, dont le Traité de l’Eucharistie avait paru en 1598, et dont la Correspondance politique et diplomatique, son premier titre aujourd’hui, commencée en 1579, se continuait jusqu’en 1623 ;

Olivier de Serres, dont le Théâtre d’Agriculture parut en 1600 et eut cinq éditions en dix ans ;

Saint François de Sales, dont le livre de l’Introduction à la Vie dévote parut en 1608, et le traité de l’Amour de Dieu en 1616 ;

Guillaume du Vair, dont on commença en 1614 ou même 1612 à réunir les Œuvres bien des fois réimprimées, 1617, 1618, 1619, etc.

«Je laisse les politiques comme d’Ossat, le président Jeannin, Sully, qui ne sont pas des écrivains de profession, bien que disant mieux quelquefois que les purs écrivains.

«Honoré d’Urfé (1610) introduit et importe une innovation dans le roman ; il ouvre une veine en ce sens et demanderait à être considéré à part.

«Il ne m’est pas possible d’examiner ici et de suivre sur leur terrain ces différents auteurs : ce serait faire l’histoire littéraire du