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PORT-ROYAL.

question entre les mains des administrateurs de l’Hôtel-Dieu, il dit qu’il jugeoit que cet expédient étoit très-favorable aux pauvres, sans assurer néanmoins qi’il réussit.
M. de Bagnols ayant communiqué cette affaire par l’avis de M. Singlin à M. Mazure, curé de madame de Chavigny, ce pasteur la jugea grande, se sentit obligé de la confiance qu’on prenoit en lui, et refusa la liberté qu’on lui donnoit d’en parler à la veuve, aussi bien que de donner son avis sur la conduite que les dépositaires dévoient tenir, demandant du temps pour cela ; mais il promit au surplus qu’en cas que la veuve voulût en prendre son avis, il lui remontreroit ses devoirs.
« Le 14 d’octobre, M. de Lamoignon, qui étoit alors maître des Requêtes et qui devint depuis Premier Président, étant consulté par ces dépositaires, dit que l’affaire se pouvoit défendre, qu’on étoit obligé de la soutenir et qu’on ne pouvoit composer.
« M. Issaly ayant consulté sur cela M. Ozanet rapporta que, selon ce célèbre consultant, il étoit difficile d’en attendre en just ce un événement favorable, à moins que d’en faire déclaration à l’Hôtel-Dieu, laquelle il approuvoit. Et le même M. Issaly ayant fait voir aux dépositaires les Remarques de Brodeau sur l’arrêt du curé de Saint-Jacques, ils jugèrent qu’ils faisoient quelque préjugé désavantageux en la cause !
« M. de Sainte-Beuve consulté dit que l’on étoit oblige en conscience de soutenir le procès, et qu’il n’y avoit rien de si périlleux que d’entrer en composition, parce que l’on donnoit à connoître par la qu’on étoit maître du dépôt, ce qui ne le rendoit pas favorable.
« Cependant M. Coulas vint rapporter aux dépositaires que madame de Chavigny avoit plus d’éloignement d’acquiescer à la volonté de son mari qu’elle n’en avoit fait paroitre jusques alors ; qu’il lui avoit fait proposer une conférence de M. le curé de Saint-Paul avec les dépositaires, mais que pour lui, comme il étoit occupé de ses affaires particulières, il se retiroit de cette négociation, se croyant d’ailleurs y être inutile.
« Madame du Plessis-Guénegaud rapporta encore en termes plus forts l’éloignement où étoit la veuve Elle dit que cette dame se désesperoit, et elle étoit persuadée qu’elle en étoit pénétrée d’une si grande douleur que cette affaire, dans l’état de grossesse où elle étoit, pourroit lui faire courir risque de la vie. Elle ajouta que madame la duchesse d’Aiguillon, qui approuvoit la disposition de M. de Chavigny, avoit invité cette veuve à la suivre et que depuis, s’étant laissé toucher par ses clameurs, elle avoit proposé la conférence de M. le curé de Saint Paul, ou du moins y avoit consenti.
« Mais ce curé même témoigna aux dépositaires que cette dame n’étoit pas si emportée qu’on le leur avoit rapporté. Il leur fit entendre qu’elle se pourroit porter à composition ; mais qu’avant de se déterminer, il étoit bien aise de prendre avis en Sorbonne. Il leur représenta que, comme il étoit de l’intérêt de Port-Royal que l’affaire demeurât secrète, elle ne le pouvoit être que par la voie de la composition, et demanda conférence pour le lendemain.
« Le 15 octobre, étant venu à Port-Royal, il fit d’abord quelques efforts inutiles pour persuader que les enfants du défunt n’avoient presque pas de bien, et proposa quantité de difficultés sur le fond de cette affaire. On Y répondit. Et comme il voulut faire entendre qu’il étoit de la dernière importance que la conduite de Port-Royal qu’il affectionnoit, ne perdit pas en cette occasion les avantages qu’elle avoit acquis dans l’estime des gens de bien ce qui tendoit à leur faire concevoir que le procédé des deposi-