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LIVRE DEUXIÈME.

à lui emprunter la noblesse du mouvement et l’harmonie. On conçoit cela de Fléchier, qui ne fut comparable à Bossuet qu’un jour, et qui reste bien plus ordinairement le rival en style et le pareil de Pellisson, de Bussy, — surtout du premier. À voir pourtant cet hommage direct à Balzac de la part d’un écrivain si ingénieux et si poli, et le profit avoué qu’il en tire, on reconnaît vraie une partie de l’éloge donné par La Bruyère.[1]

Daguesseau, dans la IVe Instruction à son fils, après avoir signalé les défauts de Balzac, ajoute : «Mais, en récompense, on y remarque un tissu parfait dans la suite et dans la liaison des pensées, un art singulier dans les transitions, un choix exquis dans les termes, une justesse rare et une précision très digne d’être imitée dans le tour et dans la mesure des phrases, enfin un nombre et une harmonie qui semble avoir péri avec Balzac, ou du moins avec M. Fléchier, son disciple et son imitateur, et qui ne seroit peut-être pas moins utile à notre Avocat du Roi que celle des cantates de Corelli ou de Vivaldi.» Daguesseau lui-même, dans sa diction, est une sorte de mélange affaibli de Bourdaloue pour le solide, et de Fléchier pour le fin.

Au commencement du dix-huitième siècle, l’abbé Trublet s’est mêlé de réhabiliter Balzac ; mais cela compte peu. Plus tard Thomas l’a sensiblement pratiqué. Indirectement, Buffon et Jean-Jacques lui ont fait plus d’honneur en montrant le magnifique usage que le génie sait tirer des formes régulières et nombreuses.[2]

  1. " Balzac dans Fléchier, a-t-on dit encore, c’est Balzac châtié, raffiné, dégraissé, detersus. »
  2. Même chez les plus complets, certaines qualités s’excluent. On a remarqué dans le chant que les voix qui y sont faites, mais qui n’y sont pourtant pas trop exercées, ont souvent une douceur, une légèreté de nuance en certains endroits, que les voix de théâtre les plus belles n’ont pas, et qui est tout à fait charmante. De même, dans les écrivains qui ne sont pas de métier, il y a des