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LIVRE TROISIÈME.

gnoient, que les autres les blâmoient, et que quelques-uns leur insultoient, ils se firent les acteurs d’une comédie qui fit oublier aux spectateurs tout ce qui venoit de se passer. Ils donnèrent le change au public presque sans qu’il s’en aperçût, et le firent prendre aux Jésuites, sur lesquels ils rabattirent tout court après avoir d’abord fait semblant d’en vouloir à la Sorbonne. Ils les mirent sur la défensive et les poussèrent si vivement qu’ils s’attirèrent les applaudissements d’une grande partie de ceux qui n’avoient pour eux, un peu auparavant, que des sentiments d’indignation… »

Le fait est que les Provinciales se peuvent exactement considérer comme la contre-partie et les représailles de l’affaire de Rome, de cette affaire de la Bulle dans laquelle les Députés avaient été joués sous main, avec applaudissements et congratulations en sus, et cela comme disait Retz, dans un pays où il est moins permis de passer pour dupe qu’en lieu du monde[1]. Les Provinciales en furent la revanche gagnée à Paris, c’est-à-dire en un pays où l’on a tout, si l’on a pour soi les rieurs et la gloire.

On se tromperait fort pourtant en supposant que le calcul soit entré pour beaucoup dans ce choix de la bonne veine, et qu’un hasard heureux, un de ces hasards qui n’arrivent qu’à ceux qui en savent profiter, n’y ait pas aidé avant tout :

« Quoi qu’il en soit, dit toujours le Père Daniel[2], on prétend que, quelque grand qu’eût été le succès de la quatrième Lettre, le chevalier de Méré conseilla à Pascal de laisser absolument la matière de la Grâce dont elle traitoit encore, quoique par rapport à la morale, et de s’ouvrir une plus grande carrière. »

Nicole, dans son Histoire des Provinciales[3], raconte la

  1. Précédemment, page 18 de ce volume.
  2. Page 18 des Entretiens.
  3. En tête de la traduction latine qu’il a donnée des Provinciales