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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/333

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LIVRE TROISIÈME.

relatifs à la santé morale, ne se devraient pas plus divulguer par le menu, que ce qu’on fait à huis clos pour entretenir la santé physique. La pudeur en souffre. Rien que pour conserver les dehors de la personne et la réparer, que de petits soins, de petits appareils, honteux à décrire, prendront chaque matin ces mêmes délicats qui vont se récrier au cilice ! En fait, tous moyens sont bons qui guérissent, qui moralisent et sanctifient.

On se tromperait fort d’ailleurs en supposant que ces pratiques singulières, variables selon les individus, et qui étaient comme le luxe ou même l’indiscipline de quelques pénitents, formassent un caractère essentiel du régime de Port-Royal. Port-Royal les partage avec l’ascétisme chrétien, avec l’ascétisme de tous les temps[1] ; mais ce n’est nullement de ce côté qu’il insiste et qu’il marque les âmes. On ne lit rien de tel ni dans la vie de M. de Saint-Cyran, ni dans celle de M. de Saci (pour ne parler que des principaux) : ces rigides mais sages directeurs étaient plutôt occupés à modérer ces excès, à les réprimer chez les plus fervents. Et surtout ce point odieux de la non-propreté, le plus véritablement choquant, le seul qui le soit peut-être à bon droit, n’entrait, qu’on le sache bien, à aucun degré dans les prescriptions de Port-Royal. On se bornait à y recommander la non-propriété, ce qui est tout différent, c’est-à dire, la pauvreté, ou mieux encore, l’esprit de pauvreté. Être pauvre, être surtout détaché, n’user que des meubles les plus indispensables et les plus simples, fussent-ils déplaisants à la vue ; avoir le costume le plus invariable et le plus uni ; vivre de peu ; se mortifier sans se détruire ; se servir soi-même le

  1. Sur les règlements de toilette et de costume concernant les religieux dans l’Orient, on peut voir, si l’on est curieux, l’Introduction à l’Histoire du Bouddhisme indien, par M. Burnouf, pages 305 et suivantes ; et aussi à la page 312.