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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/354

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PORT-ROYAL.

Pourtant, depuis la Bulle d’Alexandre VII fulminée pour la ruine du Jansénisme et reçue en France en mars 1657, l’orage suspendu grondait toujours. Il éclata en avril 1661. La Cour décidément voulut en finir avec la faction de Retz et avec le principal foyer de résistance. Le Lieutenant-civil Daubray, accompagné du Procureur du Roi au Châteiet, dans une première visite à Port-Royal de Paris (23 avril), signifia l’intention de Sa Majesté qu’on renvoyât sous trois jours toutes les pensionnaires ; dans une autre visite (4 mai 1661), il apporta l’ordre de renvoyer également les novices et postulantes. M. Singlin, qui avait titre de Supérieur, dut se retirer. La mère Angélique, à la première nouvelle de l’attaque, était arrivée du monastère des Champs pour soutenir le choc avec la mère Agnès, sa sœur, qui alors était abbesse. Son courage, ses paroles de fermeté et presque de gaieté en cette conjoncture critique, et quand elle-même était déjà mourante, sa sainte mort consommée au mois d’août de cette année, nous rappellerons toutes ces choses ailleurs ; il s’agit ici seulement de la sœur de Pascal. Cette dernière était donc restée aux Champs, lorsqu’on y reçut le premier Mandement, donné à la date du 8 juin par les Vicaires généraux du diocèse de Paris, pour la signature du Formulaire. Il faut savoir que les Vicaires n’avaient donné ce Mandement qu’à leur corps défendant ; ils l’avaient, à ce qu’il paraît, concerté avec Messieurs de Port-Royal, et l’on dit même que c’était Pascal qui l’avait dressé[1]. La rédaction, en effet, demandait une plume délicate : il s’agissait de permettre aux amis de Jansénius de signer en conscience une Déclaration par laquelle ils se soumettaient à la sentence du Pape ; tout l’art consistait à interpréter au même moment cette sentence,

  1. Voir le Recueil dit d’Utrecht, page 311.