Charlotte, une élève de Port-Royal, douée d’un génie facile, dont il emprunta plus d’une fois la plume, se plaisant à en dire qu’elle avait beaucoup plus d’esprit que lui ? Les sœurs trouvent plus aisément grâce que les frères. M. Cousin, après avoir été dur pour Pascal, s’est vivement épris pour sa sœur, et la lui a préférée. Ici il a été éloquent comme toujours, et il a eu raison avec charme[1].
Mais, pendant que nous admirons la sœur et le frère, pendant que la scène de l’évanouissement nous inspire pensée sur pensée, ne serions-nous point dupe de notre préoccupation ? N’aurions-nous point affaire tout simplement à un malade, à un visionnaire, je n’invente point les termes, à un halluciné ? Pascal, en un mot, comme on l’a dit de Lucrèce, n’a-t-il pas eu sur la fin un véritable égarement de raison ?
Au lieu de faire intervenir en ceci des modernes et des vivants (ce qui gêne toujours quand il faut discuter), je citerai Voltaire, qui, lorsqu’il se mêle de dire les choses, les dit plus nettement que personne et à moins de frais :
« Pascal, écrivait-il à ’sGravesande (1er juin 1738), Pascal croyait toujours, pendant les dernières années de sa vie, voir un abime à côté de sa chaise ; faudrait-il pour cela que nous en imaginassions autant ? Pour moi je vois aussi un abîme, mais c’est dans les choses qu’il a cru expliquer. Vous trouverez dans les Mélanges de Leibniz que la mélancolie égara
- ↑ Le brillant volume de M. Cousin, intitulé Jacqueline Pascal, le Recueil des Lettres et Opuscules, par M. Faugère, ont mis tout d’un coup en circulation et presque à la mode cette figure de Sainte-Euphémie, qui avait tant recherché l’ombre. M. S. de Sacy a écrit sur elle d’excellentes pages (Débats, 31 octobre 1844) : M. Vinet en a écrit de pénétrantes (Semeur, 20 janvier 1847). — Et quant aux sœurs vouées à leurs frères, à l’appui de mon dire, de nouveaux exemples sortent et se présentent de toutes parts : la sœur de Maurice de Guérin, la sœur de M. Renan…