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LIVRE TROISIÈME.

à genoux ; pour quiconque a non pas la foi, mais un cœur, il fait quelque chose de vrai, quelque chose dont la source est dans les entrailles de l’homme ; il expire dans un sentiment d’amour et de plénitude, comme tout être humain, qui aspire à l’immortalité de la vie, doit désirer de mourir.

Pascal rendit l’âme le 19 août 1662, âgé de trente-neuf ans et deux mois. Il fut enterré dans l’église Saint-Étienne-du-Mont, où l’inscription tumulaire se lit encore[1].

Deux ans et demi après, au fort de la persécution contre Port-Royal, l’archevêque Péréfixe interrogeant le curé de Saint-Étienne, M. Beurier, sur l’homme célèbre qui était mort son paroissien, obtint du bon curé une espèce de Déclaration portant que Pascal avait finalement blâmé M. Arnauld et ces autres Messieurs, et avait rétracté ses sentiments jansénistes. Les Jésuites prirent acte de ce témoignage, et commencèrent à en user dans leurs écrits. Mais il fut bientôt prouvé que M. Beurier, de très-bonne foi d’ailleurs, avait pris la

  1. Que dis-je ? la curiosité qui, dans ces derniers temps, s’est prise à Pascal avec une sorte d’acharnement, ne lui a pas même laissé ce dernier asile. Un historien, que nous avons connu plus grave, se donne le plaisir de nous conter que, vers 1789, le duc d’Orléans, qui s’occupait d’alchimie, eut besoin un jour d’un squelette pour ses opérations occultes, et qu’on ne trouva rien de mieux à lui procurer que le pauvre Pascal, dont les restes auraient été dérobés à cet effet de dessous la pierre (Michelet, Histoire de la Révolution française, tome I, page 77). Madame de Genlis (madame de Genlis !) aurait raconté cela à je ne sais qui. Pauvre Pascal, en effet ! pauvres grands hommes en proie à la gloire ! quand une fois une certaine rage de parler, qui prend comme par accès, se met sur leur compte, ils ne s’en tirent pas à si peu de frais. Voyez celui-ci : les uns lui ont contesté sa foi, les autres son bon sens ; on lui a ôté les trois quarts des phrases qui passaient pour être de lui ; on ne lui a rendu la lettre que pour lui mieux retirer l’esprit. Et maintenant voilà qu’on ne laisse pas même ses os à sa tombe !