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LIVRE TROISIÈME.

dra jamais à personne, et on ne blessera point la sincérité chrétienne, même la plus exacte, en disant qu’on donne ces fragments tels qu’on les a trouvés et qu’ils sont sortis des mains de l’auteur, et tout le reste que vous dites si bien, et d’une manière si agréable que vous m’entraîneriez à votre sentiment, pour peu que je visse que le monde fût capable d’entrer dans les soupçons que vous appréhendez. L’ouvrage, en l’état où il est, est toujours en fragments, et cela suffit pour que tout ce que l’on dit et que vous voulez qu’on dise soit véritable.
« Mais afin que vous puissiez mieux juger de la vérité de ce que j’avance (et que je ne voudrois pas vous dire pour quoi que ce soit au monde, si je ne le croyois très-vrai en toutes ses circonstances), je vous envoie une feuille d’exemple des corrections qu’on a faites, que je dictai hier à monsieur votre fils. Je suis assuré, Madame, que, quand vous aurez vu ce que c’est, vous êtes trop raisonnable pour ne vous pas rendre, et pour n’être pas bien aise que la chose soit au point qu’elle est, c’est-à-dire aussi parfaite que des fragments le peuvent être. Quand vous verrez après cela la Préface qu’on a faite et que je tâcherai de vous envoyer mardi prochain, ou au moins d’aujourd’hui en huit jours tout au plus tard, vous ne vous contenterez pas de donner simplement les mains à ce qu’on a fait, mais vous en aurez de la joie et vos entrailles tressailleront d’allégresse, selon l’expression de l’Écriture[1]….
« Je vous dirai encore (poursuit Brienne qui se répète à satiété, mais qui, en se répétant, nous introduit de plus en

    la famille : car ce serait leur faire un honneur bien gratuit que de supposer chez eux un goût littéraire supérieur à celui d’Arnauld, de Nicole et des autres. Madame Périer craignait en effet qu’on n’embellit un peu trop son frère ; que le public alors, s’apercevant que ce ne pouvaient être là les simples fragments qu’on annonçait, n’attribuât aux éditeurs toutes les belles choses ; et que, dans cette espèce de confusion qui se ferait du travail des correcteurs et de celui de l’auteur, la mémoire de ce dernier ne demeurât frustrée.

  1. Il n’en fut pas ainsi : madame Périer trouva à redire à ce Discours sur les Pensées de Pascal qu’avait composé, non point M. Du Bois, comme on l’avait cru assez généralement jusqu’ici, mais M. de La Chaise, ainsi qu’on le verra tout à l’heure ; on substitua à son Discours une autre Préface émanée de la famille.