actuel de la raison corrompue, Pascal ne reconnaît pas de telle justice, ou, s’il la reconnaît théoriquement, il la déclare tout aussitôt méconnaissable en fait. Dans les pages des Pensées auxquelles je renvoie, on s’assure que Pascal, en tant qu’il n’aurait pas été chrétien, serait bien près d’entendre le droit comme Hobbes[1] et la politique
- ↑ Voici, par exemple, sur la Justice et le Droit, une pensée des plus vertes et des plus crues de l’un de mes amis qui est de la pure école de Hobbes : « Depuis qu’il y a des sociétés, que l’homme vit et naît en civilisation et qu’on lui enseigne la Justice, il s’est créé en lui, dans son cerveau, des traces et comme un organe acquis de la Justice ; il y en a qui naissent avec ce sentiment-là très-énergique, comme il y en a qui naissent avec l’instinct de la littérature. Dans les races d’animaux domestiques, on crée ainsi à la longue des organes par l’éducation. Mais laissez ces animaux retourner dans les bois, laissez l’homme rentrer dans sa vie sauvage primitive, et ces organes acquis et surajoutés vont vite disparaître et s’abolir pour faire place à la pure nature, — jusqu’à ce que quelques hommes puissants et rares, quelques génies qui comprennent la nature des choses, rassemblent de nouveau ces peuplades errantes et réinventent la société, en en cachant la base et en la recouvrant d’un autel. » — Et encore : « La plus belle invention des hommes est la Justice. Ceux qui croient qu’elle n’est pas une invention, mais une qualité inhérente à la nature, sont portés à en diminuer tellement les conditions essentielles dans la société, et les garanties, que l’invention se trouve alors fort compromise, et que les hommes, à chaque commotion imprévue, faute de liens suffisants qui les retiennent, sont en danger de rétrograder vers la violence et la brutalité naturelle. » — Je me demande ce que Pascal aurait dit de ces pensées-là ; il en aurait certainement compris la force aux yeux de quiconque n’est pas chrétien.
examiné depuis ; il a fait son travail de collation pour lui-même, et il veut bien me le communiquer. M. Faugère est d’avis que primitivement, il n’y a pas eu un seul et unique exemplaire-épreuve, qu’il doit y avoir eu plusieurs exemplaires de ce premier tirage, qui furent d’abord distribués aux amis et aux approbateurs, en toute confidence. On fit jusqu’au dernier moment des cartons et des remaniements. Ces changements introduits sont tous dans le sens d’un adoucissement de pensée ou d’expression. Ils furent manifestement inspirés par des scrupules d’orthodoxie et par la crainte de donner prise aux attaques des adversaires de Port-Royal. C’est ce qui retarda jusqu’en 1670 la publication qui devait avoir lieu d’abord en 1669.