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LIVRE TROISIÈME.

mière plaît à l’homme en peine, et lui paraît expliquer fidèlement certaines marques et certaines élévations qu’il ressent en lui, mais non pas la bassesse qui est contraire et tout à côté. Pourtant, en continuant la lecture, il trouve que l’homme, créé dans cet état d’innocence et de beauté, a failli par son libre choix, et a été précipité dans la mieux méritée des misères. Ce nouvel état lui paraît justement répondre à cette contradiction intérieure dont il est si convaincu, et qui lui a été jusque-là si inexplicable.

Image d’un homme qui s’est lassé de chercher Dieu par le seul raisonnement, et qui commence à lire l’Ècriture, — c’est la seconde et magnifique ouverture du plan de Pascal, la seconde Genèse, et celle qui mène directement à la vie.

Pascal fait encore parcourir à son homme en peine, et qui commence à saisir quelque lueur d’espoir, divers endroits du même livre :

{{t| « Il lui fait prendre garde qu’il n’y est plus parlé de l’homme que par rapport à cet état de foiblesse et de désordre ; qu’il y est dit souvent que toute chair est corrompue, que les hommes sont abandonnés à leur sens, et qu’ils ont une pente au mal dès leur naissance. Il lui fait voir encore que cette première chute est la source non-seulement de tout ce qu’il y a de plus incompréhensible dans la nature de l’homme, mais aussi d’une infinité d’effets qui sont hors de lui et dont la cause lui est inconnue. Enfin, il lui représente l’homme si bien dépeint dans tout ce livre, qu’il ne lui paraît plus différent de la première image qu’il lui en a tracée[1] !

Ceci est capital ; voilà le cercle qui se rejoint ; voilà l’anneau moral du livre saint, qui rejoint l’anneau moral de cet autre livre, le cœur de l’homme. Nous n’avons malheureusement pas tout ce développement de Pascal,

  1. Préface d’Étienne Périer.