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LIVRE TROISIÈME.

la foi, qu’on entrevoit désormais comme vénérable et comme aimable.

Comme aimable surtout. — La Religion n’est pas encore prouvée, qu’elle est déjà insinuée et presque autorisée par une si divine morale, si concordante avec le cœur.

Et même, dans cet état d’ébauche et d’imperfection où est resté le plan, on peut sentir toute l’habileté et la conduite supérieure de Pascal. Il a si bien disposé les choses, qu’à partir de ce moment et pour le reste de la démonstration, l’homme qu’il mène comme par la main est induit à désirer secrètement de croire, et à être, s’il n’y prend garde, de connivence avec son guide.

Pascal pourtant aborde les preuves : c’est le chapitre des Juifs considérés comme dépositaires de la vraie Religion, et les chapitres suivants. S’arrêtant particulièrement au livre de Moïse, il établit par toutes sortes de raisons, telles que la critique de son temps les pouvait fournir, qu’il est également impossible que Moïse ait laissé par écrit des choses fausses, ou que le peuple à qui il les a laissées se soit prêté à être trompé. Il parle des grands miracles rapportés dans ce livre, et soutient qu’ils ne peuvent être faux, tant à cause de l’autorité déjà établie du livre que par toutes les circonstances qui les accompagnent. À ce sujet des miracles, un souffle singulier l’anime ; il parle comme pour en avoir vu ; il a de ces mots souverains qui enlèvent : « Ubi est Deus tuus ? Les miracles le montrent, et sont un éclair. » — Ensuite il passe aux raisons qui font que la loi de Moïse est toute figurative, et à chaque pas il lève le voile dans le sens du Christianisme qui doit venir. Il arrive à la plus grande des preuves de Jésus-Christ, c’est-à-dire aux Prophéties ; et, par une foule de vues particulières qu’il a sur ce sujet, il s’applique à faire voir jusqu’à l’évidence que cette preuve est celle de toutes à laquelle Dieu a