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PORT-ROYAL.

grave, sérieux, sévère, la pure Faculté, Sorbonne ou Navarre, telle qu’elle se représente à nous de loin par ces docteurs de vieille roche, Launoi, Sainte-Beuve[1].

Cependant Arnauld dépêchait écrit sur écrit que ses amis présentaient à l’Assemblée et n’obtenaient pas toujours de lire. Il y retournait sa justification de toute manière ; il tâchait de la rendre plus claire à l’esprit de parti, en l’exposant selon la méthode des géomètres. Lorsqu’on en fut, après dix-huit ou vingt séances, au moment de clore sur la première question, celle du fait, il fit présenter, le 11 janvier, un Écrit qui était une sorte de satisfaction donnée, de désaveu ; il y protestait qu’il n’eût point parlé dans sa Lettre comme il y parle, s’il eût prévu qu’on lui en eût fait un crime ; qu’il voudrait ne l’avoir pas écrite ; et il demandait pardon au Pape et aux Évêques de l’avoir fait (Quodque ea scripserim ab Illustrissimis Prœsulibus atqæ a Summo Pontifice libentissime veniam peto). On a une lettre de lui, du 15 décembre, à l’évêque de Saint-Brieuc, Denis de La Barde, qui était thomiste et se montrait assez favorable. Arnauld y humilie, autant qu’il est possible, son opinion janséniste ; il se rabat à saint Thomas le Prince des

    la violence des propos et des actes, ces Assemblées de 1655-1656 me font l’effet d’avoir été la Chambre de 1815 de Sorbonne.

  1. Je cite plutôt celui-ci comme nom, bien qu’il ne paraisse pas avoir pris part aux séances ; ce qui ne l’empêcha pas d’être éliminé de la Sorbonne et de la chaire qu’il y occupait, pour avoir refusé de signer la Censure. La prudence pourtant l’emporta : il finit par céder, j’ai regret à le dire, et souscrivit tout quelque temps après, ternissant sa gloire de martyr (on verra, en leur lieu, les circonstances atténuantes et les raisons à décharge). Quant au docteur de Launoi, sans partager la doctrine d’Arnauld, étant du tiers parti en matière de Grâce, il le défendit d’autant plus vivement en cette circonstance par équité et générosité ; érudit profond et original, esprit mordant, à bons mots, raillant volontiers le mauvais latin des bulles ou des évêques, et apportant en théologie quelque chose de l’humeur de Gui Patin. (Voir à l’Appendice)