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PORT-ROYAL.

Ces mots décèlent pourtant son hardi procédé, cette détermination à tirer parti de tout, et de l’objection même. Pascal, évidemment, est ébloui ; il marche ici (pour continuer l’image) sur la crête de son Thabor, et s’il ne tombe pas, il met en péril ceux qui le suivent. Malgré notre désir, cette fois, d’écouter en silence et de n’intervenir en rien, il nous était impossible de ne pas reconnaître que ce moment du Discours, qui transporta le plus nos amis de Port-Royal, est précisément celui qui arrêterait le plus aujourd’hui.

Tant que Pascal a été dans l’analyse morale et dans le tableau de la corruption humaine, nous étions plus en état de le suivre. Dans ces régions transfigurées, nous faiblissons, et l’ardent reflet nous arrive à peine.

Après l’Ancien Testament, Pascal aborde le Nouveau. Il commence par Jésus-Christ ; et, quoiqu’il l’ait déjà invinciblement prouvé par les Prophéties et par toutes les figures de la Loi, dont il trouve en lui l’accomplissement parfait, il redouble de preuves dans la considération de sa personne même, de sa personne divine et humaine, des circonstances de ses miracles, des caractères de sa doctrine, et jusque du style de ses discours.

Quand on a à parler de Jésus-Christ, fût-ce par la bouche de Pascal, on entre dans une sorte de resserrement involontaire. On craint, dès qu’on ne le prononce pas à genoux et en l’adorant, de profaner, rien qu’à le répéter, ce nom ineffable, et pour qui le plus profond


    des sottises. » Il se sert perpétuellement de ce glaive à deux tranchants. À un de ces endroits où il y avait dans l’original sottises ou sots contes, les éditeurs de Port-Royal ont corrigé et adouci, et il faut les en louer. — Je ne croirai jamais qu’en lisant ou en écoutant ces choses extrêmes, le sage Nicole n’ait pas fait ses réserves tout bas.