Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/574

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
564
PORT-ROYAL.

Une dernière question sur Lancelot. On se demande, quand on voit cette suite de grammaires estimables qu’il composa, pourquoi il n’en a point fait une de la Langue françoise. C’est aussi ce que demandait le fameux libraire Daniel Elzevier ; et je rapporterai textuellement un Avis assez curieux qui se lit en tête d’un livre publié à Paris en 1678, sous ce titre : Nova Grammatica Gallica, qua quivis alienigena, Latinæ limguæ peritus, Gallicam facile poterit assequi (Nouvelle Grammaire françoise, par laquelle tout étranger qui saura le latin pourra facilement s’instruire dans le françois). Cet Avis est de l’une de nos connaissances, le fameux docteur de Sorbonne, Saint-Amour, qu’on ne s’attendait guère à rencontrer en un semblable sujet. Le docteur nous apprend que la présente Grammaire a été entreprise à sa sollicitation par un M. Mauconduy, et que ce n’a été qu’après que lui-même eut désespéré d’obtenir de M. Lancelot celle qu’il aurait voulu. Voici l’anecdote, qui n’est pas sans intérêt pour notre sujet, et dont je dois l’indication aux notes d’Adry :

« Je crois, dit le docteur Saint-Amour, que M. Daniel Elzevier, libraire en Amsterdam, homme célèbre par son mérite et par les belles impressions qui sortent de ses presses, ne sera pas marri[1] que l’on sache que c’est à lui originairement que le public est redevable de cette Grammaire. « Dans le cours d’un voyage que j’eus le bonheur de faire


    écrivait : « Son éducation avoit été si solide qu’on en auroit attendu toute autre chose et des fruits d’un bien meilleur goût. Que cette bizarrerie auroit affligé M. Lancelot s’il avoit vécu jusqu’ici ! car il avoit toujours des entrailles bien tendres pour son élève ! » (Lettre de M. Vuillart à M. de Préfontaine, du 15 juillet 1697.)

  1. En insistant sur la nécessité d’une bonne méthode pour l’étude de la langue française, le docteur Saint-Amour va nous prouver combien lui-même il aurait eu à en faire son profit. Cet Avis, d’un style suranné, est daté de Paris le 18 mai 1678. J’en ai supprimé bien des longueurs.