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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/96

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PORT-ROYAL.

pens pas d’avoir fait les Provinciales. Je réponds que, bien loin de m’en repentir, si j’étois à les faire, je les ferois encore plus fortes[1]… » C’est en ce sens plus énergique qu’il avait changé ; en répondant ainsi, il songeait surtout à ses Lettres agressives contre les Jésuites et disait que, si c’était à recommencer, il les ferait plus fortes ; s’il avait songé à la portion dont nous avons seulement parlé jusqu’ici et que l’autre efface, à ses explications purement défensives du Jansénisme, il aurait dit : « Si c’étoit à recommencer, je les ferois plus franches. » Pascal, en persévérant, et par l’entière force de son génie chrétien, avait retrouvé, ressaisi l’esprit de Saint-Cyran, cet esprit interrompu dans Port-Royal, duquel il s’était tant départi lui-même dans les Provinciales, et qui ne se continuait que brisé, affligé chez M. Singlin, mêlé d’embrouillements chez le digne M. de Barcos, ou sans voix assez puissante chez Lancelot et quelques autres. Pascal l’avait retrouvé net, ainsi que l’esprit de conduite qu’il aurait fallu dès l’abord tenir. Ce petit Écrit que nous venons de citer de lui, sur la Signature, est remarquablement analogue à ces plaintes que laisse échapper le bon Lancelot, cet humble Elisée de Saint-Cyran, Lancelot qui avait connu Joseph[2] :

« Peut-être aussi que la manière dont on a agi pour dépendre la Vérité n’a pas été assez pure, et que les moyens qu’on y a employés ont été ou trop précipités, ou trop peu concertés, ou même trop humains ; au lieu que… l’on gâte

  1. Recueil de plusieurs pièces, etc. (Utrecht, 1740), page 279.
  2. Nous avons déjà cité ces paroles au tome II, page 128 ; mais elles reviennent ici naturellement et plus au complet ; elles donnent Il clef des deux époques distinctes au sein de Port-Royal. Lancelcï, rieux, dans une lettre du 24 janvier 1684 à la mère Angélique de Saint-Jean, sur la mort de M. de Saci, partage le monde de Port-Royal en deux classes : ceux, de moins en moins nombreux, qui sont du temps de M. du Verger, et ceux qui, venus depuis, n’ont point connu Joseph.