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PORT-ROYAL.

-Royal des Champs, M. de Tillemont avec Du Fossé alla demeurer dans une petite maison de la rue des Postes, en compagnie d’un ecclésiastique (M. Akakia du Mont) et de son frère (M. Akakia du Lac), que leur associa M. Singlin ; car les deux amis étaient un peu jeunes. M. de Tillemont fit là ce qu’on le verra faire toujours, il étudia. Trois ou quatre ans après, il alla au château de Saint-Jean-des-Trous, alors vide par suite de la mort de M. de Bagnols et du renvoi de ses enfants à Lyon ; il y continua ses études ecclésiastiques (1660-1661) avec le curé du lieu, M. Burlugai, docteur de Navarre et fort habile homme. Du Fossé en était aussi[1] ; il suivait le même sillon que son ami, mais avec un peu plus d’inégalité. Il se permettait même quelques distractions. Ainsi il nous raconte que, durant les premiers mois de cette retraite au château des Trous, le Roi et la nouvelle Reine firent leur entrée solennelle à Paris (26 août 1660) : M. de Tillemont n’eut pas même l’idée de bouger, mais Du Fossé se donna le spectacle de cette cérémonie ; et comme, dans son admiration innocente, au retour il en parlait à M. de Saci avec un reste d’éblouissement, ce dernier lui répondit en souriant que toutes ces splendeurs d’habits et de pierreries

  1. M. Burlugai était savant en histoire ecclésiastique ; M. de Tillemont et lui, et même Du Fossé, faisaient chacun en particulier des remarques sur les difficultés qui se présentaient, et ils se les communiquaient ensuite. Toutes ces remarques restèrent entre les mains de M. de Tillemont, à qui elles servirent pour son Histoire. On ne saurait concevoir une absence plus entière d’amour-propre et d’esprit de propriété dans le travail intellectuel. Du Fossé se met à l’œuvre pour M. Le Maître, lequel se borne lui-même à revoir et à corriger les traductions dites de d’Andilly. Tillemont livrera plus tard tous ses Recueils sur saint Louis à M. de Saci, puis à M. de La Chaise ; et à son tour il nous représente sous son nom, le seul aujourd’hui célèbre, ces autres noms obscurs et si estimables de son ami Du Fossé, de M. Burlugai.