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PORT-ROYAL.

besoin et la religion de M. de Tillemont d’être ainsi utile sans le paraître, de s’effacer en servant l’Église par les autres. Tel on l’entrevoit dans le secret de sa conduite et de son procédé, soit envers M. Hermant, je l’ai dit, soit envers le traducteur et l’historien de saint Cyprien (M. Lombert), envers tous ceux enfin qu’il pouvait obliger[1]. Il avait joie de se décharger entre les mains d’autrui de son travail accumulé ; toute la grâce qu’il demandait était qu’on ne le donnât point lui-même à connaître. Quelque facilité pourtant qu’il eût à faire ainsi abandon de ses ouvrages aux autres, il discernait (car le discernement, qu’on le sache bien, ne le quittait jamais) ceux à qui il se communiquait avec cette confiance. Travaillant à étouffer en lui-même tout sentiment de vanité, il ne croyait pas devoir contribuer à celle des autres : il ne se serait pas anéanti de la sorte pour porter tribut à l’idole de quelque écrivain glorieux ; mais quand il reconnaissait des vues pures, un labeur désintéressé, entrepris et poursuivi en idée de Dieu, il n’avait rien de réservé.

C’était le temps de la Paix de l’Église : M. de Tillemont ne se trouvant pas encore assez séparé du monde dans sa rue Saint-Victor, et attiré sans doute par les chants recommençants et les cloches réjouies du saint monastère, alla demeurer à la campagne (1672), dans la paroisse de Saint-Lambert, entre Chevreuse et Port-Royal des Champs. M. de Saci, usant de son autorité, lui fit recevoir successivement les différents Ordres (car


    tendait pas en tirer honneur. — L’abbé de Longuerue, parlant de cet ouvrage avec éloge, ajoutait que Du Fossé, qui avait été quelque temps avec M. de Tillemont, ne put s’accorder avec lui. Où at-il été prendre cela ?

  1. Les savantes notes dont M. Du Bois accompagna ses traductions de saint Augustin sont de M. de Tillemont. C’est d’Olivet, dans sa notice sur Du Bois, qui nous l’apprend.