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PORT-ROYAL.

menses ouvrages, pour en bien déterminer le mérite et le caractère. Lorsque son grand corps ’d'Histoire ecclésiastique fut assez avancé, ses amis le pressèrent de commencer à publier. Pour obéir à leurs instances, il mit le premier volume entre les mains d’un Censeur qu’on lui donna ; mais il ne put s’entendre avec lui sur certaines petites difficultés qui ne tenaient ni de près ni de loin à la foi, et que ce Censeur ne voulait point lui passer. Le théologien puriste ne pouvait souffrir, par exemple, que M. de Tillemont dit qu’il n’y avait peut-être ni bœuf ni âne dans retable où Notre- Seigneur prit naissance ; que les Mages ne vinrent apparemment V adorer qu’après la Purification ; que Marie, femme de CleophaSy pouvait être véritablement sœur de la Sainte- Vierge ; et autres choses de cette nature. M. de Tillemont, si soumis, si humble, si peu attaché à son propre sens (nous venons assez de nous en faire idée dans l’habitude de sa vie), était un historien pourtant, un vrai critique ; et, à ce titre, il avait aussi ses devoirs. Il ne céda point sur ces moindres détails ; car il s’y croyait autorisé historiquement, et il ne jugeait pas a que l’on piit contraindre un historien dans ses sentiments sur ces sortes de matières, ni l’obliger à combattre ou à taire ce qui lui paroissoit de plus vraisemblable. » Peu empressé d’ailleurs de se livrer au grand jour, il retira son ouvrage, et continua d’y travailler, avec d’autant plus de paix, disait-il, qu’il ne songeait plus à le produire.

Cette chicane du premier Censeur amena un changement non dans le fond du travail, mais dans l’ordre et la distribution. M. de Tillemont voulait d’abord ne faire qu’un seul corps de l’Histoire des Empereurs et de celle de l’Eglise : ses amis lui conseillèrent alors de les séparer ; et comme l’Histoire des Empereurs n’avait pas besoin d’un censeur théologien, on l’engagea à com-