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PORT-ROYAL.

Le grand digeste historique de Tillemont ne s’adresse donc particulièrement qu’aux savants ; il est à regretter peut-être que Fleurj^ (autre abeille), qui, de son côté, commençait à donner son Histoire ecclésiastique si agréable et si docte à la fois, n’ait pas été chargé de cette mise en Annales des Mémoires de Tillemont ; ou plutôt rien n’est à regretter : on a Fleury, on a Tillemont ; et toutes les fois qu’on veut approfondir, discuter au net ces événements des premiers siècles de l’Église, celui-ci est l’indispensable.

Comme historien, Fleury doit se dire assurément supérieur parla composition, par l’étendue du point de vue qu’il embrasse dans sesDiscours généraux, parl’honorable indépendance de jugement qui combine une certaine philosophie avec la religion, par le mélange de solidité et de douceur qui résulte de tout cela. Comme critique, Tillemont, dans une voie plus ardue et plus aride, recherchant et fouillant sans cesse, puis construisant avec ses textes authentiques un sol ferme et continu, reste, je le crois, plus original à sa manière, et véritablement unique ^

chacun. Rollin n’y apporte presque aucune critique, aucune originalité d’examen : il se borne à traduire en gros les Anciens ; mais une saveur de morale et d’honnêteté répand de la douceur sur ses pages. Voltaire, qui a bien parlé de Rollin dans le Temple du Goût, se montre dur et injuste dans une lettre à Helvétius, du 24 mars 1740 : « Le janséniste Rollin continue-t-il toujours à mettre en d’autres mots ce que tant d’autres ont écrit avant lui ? et son parti préconise-t-il toujours comme un grand homme ce prolixe et inutile compilateur ? » YoiJà l’esprit méprisant qui reparaît, et c’est Monlesquieu décidément qui est humain et bon. l. Tillemont découvre des matériaux et des sources là où on ne s’avisait pas d’en chercher auparavant : il y a de l’invention dans ce qu’il recueille. Grosley, dans la Vie des frères Pithou, parlant de leurs travaux sur le Droit romain, a dit : a Personne avani eux a n’avoil osé considérer les Loix ecclésiastiques et civiles sous un « point de vue aussi étendu, parce que pei’sonne n’avoit poussé