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LIVRE QUATRIÈME.

une rude pénitence, et dont il offrait volontiers aux autres le produit et l’emploi, comme s’il n’en avait aimé que la peine ; soit quand, aux rares moments de distraction, il faisait à pied, son bâton de pèlerin à la main, quelque pieuse visite à La Trappe ou à Marmoutiers, ou dans tout autre de ces lieux célèbres par la dévotion des peuples (pourvu que ce fût une dévotion bien fondée), — je doute que M. de Tillemont, quand dans ces voyages même, à travers un paysage çà et là tout consacré, tout animé et peuplé pour lui des Reliques des Saints, il observait sa vie de prière, et que, pour s’entretenir plus longuement des louanges de Dieu, il allait chantant dans sa marche les petites Heures, — je doute qu’il s’inquiétât beaucoup de ce que M. de Maistre appelle /aire ^a figure d’un cheval de race dans le monde.

On reconnaît là toujours le patricien en M. de Maistre, toujours Tesprit de qualité.

Montesquieu, parlant de Rollin, me touche quand, lui, l’historien philosophe de la Grandeur et de la Décadence romaine, il nous dit : « Un honnête homme a, par ses Ouvrages d’histoire, enchanté le public. C’est le cœur qui parle au cœur. On sent une secrète satisfaction d’entendre parler la vertu : c’est l’abeille de la France. »» Un tel éloge, dans la bouche de Montesquieu, à Tégard de Rollin, ressemble à une noble et bonne action, et mouille vraiment les yeux de larmes. Je passe à Gibbon son éloge de Tillemont, bon mulet qui Ta porté ; il ne le dit pas à mauvaise fin, et il a racheté ce mot par d’autres éloges plus graves ; mais je ne passe pas à M. de Maistre l’abus insolent qu’il en fait. Qui donc est plus charitable, plus équitable, plus chrétien en ce moment, de M. de Maistre ou de Montesquieu * ? 1. On pense bien que je n’ai nullement prétendu rapprocher Rollin de Tillemont. Rien déplus diiTérent que le mode de compilation de