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LIVRE QUATRIÈME.

Si je ne travaillois que pour satisfaire à l’ordre oii vous me mettez, je n’aurois point de chagrin lorsque vous changez cet ordre par les diverses circonstances que vous faites naître. j>

Dans cette lutte secrète avec son étude chérie, à laquelle il se livre tout en le regrettant, il voudrait trouver de l’appui contre lui-même auprès des Directeurs spirituels qui lui sont donnés ; mais ceux-ci usent à leur tour de condescendance envers cette vocation pure, et Tillemont s’en plaint doucement à Dieu : « Il me semble assez souvent que si vos Serviteurs m’ordonnoient en détail et avec autorité ce que je devrois faire, il me semble, dis-je, que cela m’aideroit, et me feroit faire plus que je ne fais. Mais ils voyent peut-être dans votre lumière que ma foiblesse est trop grande, et qu’en m’ordonnant ce que je n’accomplirois pas avec assez de fidélité, votre Loi sainte ne serviroit qu’à me rendre plus coupable en me rendant prévaricateur. Ainsi ils sont réduits à me représenter les règles générales de votre Évangile, en attendant que votre Grâce m’en fasse tirer les conséquences particulières, ou qu’au moins je leur dise, avec une entière plénitude de cœur : Domine^ quid me vis facere ? Faites-moi donc, Seigneur, cette grande grâce : donnez-moi et l’ardeur et la simplicité pour vous obéir en la personne de vos Serviteurs ; et inspirez-leur en même temps de m’ordonner ce que vous savez m’être utile. Suscipiant montes pacem populo^ et colles justitiam^. (Que les montagnes reçoivent la paix pour votre peuple, et que les collines lui portent la justice !) » C’est au prix de ce soin, et comme de cet équilibre de chaque instant, que M. de Tillemont conquérait sa paix et sa stabilité ; car il la faut toujours conquérir. Il se répétait souvent le mot de l’Écriture : Celui qui méprise les petites choses tombera peu à peu. La publication des Histoires de M. de Tillemont sou- 1. Psaume lxxi, 3.