Page:Sainte-Beuve - Portraits contemporains, t1, 1869.djvu/177

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bout sans se rompre ; mais elle s’est par degrés convertie en un métal plus pur, et, après avoir longtemps traîné à terre avec un bruit de rouille et de monotone pesanteur, elle brille enfin suspendue à la voûte indestructible. Dans les autres écrits de M. de Sénancour, soit ceux qui précèdent, soit ceux que j’omets (le livre essentiel et ingénieux de l’Amour, les réfutations de MM. de Chateaubriand et de Bonald, le Résumé des traditions morales et religieuses chez tous les peuples, etc.), presque toujours on rencontre à l’occasion une sorte d’aigreur sardonique contre le christianisme tel que les âges l’ont constitué et transmis ; car, pour son essence prétendue primitive et le caractère purement moral de son fondateur, M. de Sénancour serait disposé à lui rendre hommage. Mais jugeant que la raison et la foi sont chez l’homme inconciliables et sans rapport réel, lisant dans l’histoire que la tradition révélée anathématise le reste, il oppose d’ordinaire une aversion un peu rancuneuse à la foi et à la tradition. Que les sages de tous les temps et de tous les lieux, Bouddha, Zoroastre, Confucius, Pythagore, même Jésus, se soient rencontrés dans l’unité de quelques lois métaphysiques, dans l’enseignement de quelques hautes maximes, cela lui suffit pour déterminer son adhésion. Que les Parsis, les Hindous, les races d’Orient, se soient rencontrés dans certaines croyances, diversement produites, de chute et de réparation, de sacrifice et d’attente, de baptêmes, de confessions, de nativités singulières, cela lui suffit encore, mais cette fois pour rejeter ; de sorte que la conformité d’opinion de quelques sages lui pa-