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cour, il y a l’étude du génie de l’homme, de son talent d’écrivain, et presque rien sur les faits particuliers de sa vie. J’ai souvent désiré depuis pouvoir suppléer à ce manque de renseignements positifs. M. de Sénancour, deux ou trois fois, sembla vouloir me donner des éclaircissements et m’indiquer des rectifications auxquelles il tenait ; mais il était de sa nature si timide, si discret et circonspect, que ses explications même disaient très-peu. Depuis sa mort (10 janvier 1846), j’avais espéré qu’on trouverait dans ses papiers quelques notes à mon intention et à mon usage. Je vois, en effet, dans l’un des petits papiers, qui me sont communiqués par sa fille, un feuillet de dossier avec cette indication :


« — Notes pour les années 14 août 1789-31 décembre 1809. — Donc vingt ans quatre mois et demi. (Pour ce qui précède août 1789, voir le cahier intitulé Dates, etc.)

« Ces notes rappellent seulement les dates, les circonstances, en attendant plus d’explication. »


Et, encore, sur un papier attaché au bas de la page :


« Ces notes n’ont pas été rassemblées dans le dessein d’en faire des mémoires, mais comme souvenirs à mon usage surtout.

« Elles devenaient longues, j’en supprime la plus grande partie.

« J’y ajoute des remarques pour éviter de certaines erreurs biographiques, telles que, par exemple, cette supposition entièrement fausse que j’ai été mal avec mon père. »


Par malheur, le dossier ne renfermait aucune des notes indiquées, mais seulement quelques pensées ou remarques étrangères à l’intérêt biographique. En revanche, j’ai sous les yeux une suite de réflexions et de retours de Sénancour sur lui-même, qui, tout en laissant à désirer pour la précision du détail, ne sont autre chose qu’une autobiographie morale. Déjà, en 1848, lorsque je fis à Liège mon cours sur Chateaubriand, j’avais pu citer quelques pensées inédites, tirées de ce morceau, qui m’avaient été transcrites par Mlle  de Sénancour ; mais aujourd’hui que cette respectable dame, solitairement vouée à la mémoire de son père, a bien voulu mettre sous