Page:Sainte-Beuve - Portraits contemporains, t1, 1869.djvu/287

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Non, homme, objet cher et sacré pour mon cœur, je ne craindrai point de t’avoir abusé en te peignant ta destinée sous des couleurs si consolantes. Regarde-toi au milieu de ces secrètes et intérieures insinuations qui stimulent si souvent ton âme, au milieu de toutes les pensées pures et lumineuses qui dardent si souvent sur ton esprit, au milieu de tous les faits et de tous les tableaux des êtres pensants, visibles et invisibles, au milieu de tous les merveilleux phénomènes de la nature physique, au milieu de tes propres œuvres et de tes propres productions ; regarde-toi comme au milieu d’autant de religions ou au milieu d’autant d’objets qui tendent à se rallier à l’immuable vérité. Pense avec un religieux transport que toutes ces religions ne cherchent qu’à ouvrir tes organes et tes facultés aux sources de l’admiration dont tu as besoin… Marchons donc ensemble avec vénération dans ces temples nombreux que nous rencontrons à tous les pas, et ne cessons pas un instant de nous croire dans les avenues du Saint des Saints. » N’est-ce pas un prélude des Harmonies qu’on entend ? Un bon nombre des psaumes ou cantiques, qui composent l’Homme de Désir, pourraient passer pour de larges et mouvants canevas, jetés par notre illustre contemporain, dans un de ces moments d’ineffable ébriété où il chante :


Encore un hymne, ô ma lyre !
Un hymne pour le Seigneur !
Un hymne dans mon délire,
Un hymne dans mon bonheur !