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Alphonse de Lamartine est né à Mâcon, en octobre 1790, c’est-à-dire en pleine Révolution. Son grand-père maternel avait exercé autrefois une charge dans la maison d’Orléans, et s’était ensuite retiré en province.

    et les aime. Sans doute, et nous nous plaisons à le dire, il est aujourd’hui sur ces points d’autres interprétations non moins hautes, d’autres solutions non moins poétiques, qui, plus détournées de la route commune, plus à part de toute tradition, dénotent, chez les poëtes qui y atteignent, une singulière vigueur de génie, une portée immense d’originalité individuelle. Mais c’est aussi une espèce d’originalité bien rare et désirable que celle qui s’accommode si aisément des idées reçues, des sentiments consacrés, des préjugés de jeunes filles et de vieillards ; qui parle de la mort comme en pense l’humble femme qui prie, comme il en est parlé depuis un temps immémorial dans l’église ou dans la famille, et qui trouve en répétant ces doctrines de tous les jours une sublimité sans efforts, et pourtant inouïe jusqu’à présent, etc. » — J’ajouterai un trait encore qui reproduit et termine la même idée sous forme d’image sensible : « Comment M. de Lamartine est-il si populaire en même temps qu’il est si élevé ? » me demandait un jour un homme que ce problème intéresse à bon droit (Ballanche), parce que la popularité du succès n’a point jusqu’ici répondu pour lui à l’élévation de la pensée et du talent. — « C’est que M. de Lamartine, lui dis-je, part toujours d’un sentiment commun, moral, et d’une morale dont tous ont le germe au cœur, et presque l’expression sur les lèvres. D’autres s’élèvent aussi haut, mais ne le font pas dans la même ligne d’idées et de sentiments communs à tous. Il est comme un cygne s’enlevant du milieu de la foule qui l’a vu et aimé, pendant qu’il marchait et nageait à côté d’elle ; elle le suit jusque dans le ciel où il plane, comme l’un des siens, ayant seulement de plus le don du chant et des ailes ; tandis que d’autres sont plutôt des cygnes sauvages, des aigles inabordables, qui prennent leur essor aussi sublime du haut des forêts désertes et des cimes infréquentées : la foule les voit de loin, mais sans trop comprendre d’où ils sont partis, et ne les suit pas avec le même intérêt sympathique, intelligent. »