Page:Sainte-Beuve - Portraits contemporains, t1, 1869.djvu/309

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lieux et du Vallon, le miroir complet qui réfléchit le côté métaphysique et le côté amoureux, est le Lac, le Lac, perfection inespérée, assemblage profond et limpide, image une fois trouvée et reconnue par tous les cœurs. Rien ne saurait donc être plus achevé en soi que ce premier volume des Méditations. Mais, depuis lors, le poëte n’a cessé de s’étendre aux régions ultérieures dans des dimensions croissantes. Les secondes Méditations en offrent assez de preuves, les Étoiles, les Préludes par exemple. Et avec cela, elles ont l’inconvénient de toute transition, moins bien composées et un peu indécises dans leur ensemble. Le roman n’a pas disparu, la nacelle flotte toujours ; mais nous sommes à Ischia, mais ce n’est plus le nom d’Elvire que la brise murmure. Et pourtant Elvire elle-même revient : le Crucifix l’atteste en assez immortels accents. Pourquoi donc alors ce Chant d’Amour tout aussitôt après le Crucifix ? Poétiquement, cela ne peut pas être. Les secondes Méditations ne finissent pas, ne s’accomplissent pas comme les premières ; elles ouvrent un chant nouveau, indéfini, plus serein, plus paisible et lumineux ; elles laissent entrevoir la consolation, l’apaisement dans l’âme du poëte ; mais elles n’apaisent pas le lecteur. Par beaucoup de détails, par le style, par le souffle et l’ampleur des morceaux pris séparément, elles sont souvent supérieures aux premières Méditations ; comme ensemble, comme volume définitif, j’aime mieux les premières. La Mort de Socrate et surtout le Dernier Chant d’Harold sont d’admirables méditations encore, avec un flot qui toujours monte et