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CHATEAUBRIAND.

grands fleuves. Il se crée une succession indéfinie d’espérances, d’efforts renaissants et de jeunesses. Qu’il atteigne ou non tel ou tel but en particulier, qu’importe ? Quand sa marche est loyale et fidèle à certaines règles, il n’a pas failli. Il enflamme derrière lui des émulations généreuses et des passions qui régénèrent ; il est pour beaucoup dans toutes les nobles pensées de ses contemporains et du jeune avenir.

Les Mémoires de M. de Chateaubriand, au point où ils en sont aujourd’hui, se composent de deux ensembles distincts. Le premier ensemble, dont la rédaction remonte à 1811 et s’achève en 1822, comprend les trente premières années de sa vie jusqu’en 1800. Le second ensemble, dont la rédaction est de 1833, comprend les deux voyages de M. de Chateaubriand à Prague, le voyage à Venise, les diverses relations avec la famille royale déchue, dans cette même année. L’illustre auteur s’occupe en ce moment, je pense, à compléter cette dernière partie de sa narration par l’histoire des deux ou trois années écoulées entre juillet 1830 et son premier départ pour Prague. Ces deux ensembles, dont l’un est entièrement terminé et dont l’autre va l’être, figurent, en quelque sorte, deux ailes égales à l’extrémité d’un même monument. Le corps intermédiaire du récit, les trente années de l’Empire et de la Restauration ne sont encore tracées que par endroits et ne présentent pas, à l’heure qu’il est, une ligne ininterrompue et définitive. Quelle qu’en soit l’importance, au reste, dans le plan de l’édifice, on peut provisoirement concevoir cet espace entre les deux