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LAMARTINE.

1836.
— Jocelyn. —

Bien des talents poétiques, des demi-talents, après les premiers succès et un éclat passager d’espérances, ne survivent pas à la jeunesse ; ou même une première et seule production heureuse les épuise, comme ces beautés fragiles qu’un premier enfant détruit. Les vraies beautés ne sont pas ainsi, les vrais talents encore moins : ils se renouvellent, s’augmentent longtemps, se soutiennent et varient avec les âges. Pour ne prendre que les génies lyriques, c’est-à-dire ceux qui excellent à revêtir toutes les émotions de leur âme par l’image et par le nombre, leur faculté n’est jamais plus grande, plus au complet qu’après la jeunesse et durant le milieu de la vie. D’ordinaire ils ont débuté par chanter l’amour ; tout autre intérêt, tout autre charme se perdait dans celui-là : mais, à mesure que ce ravissement intérieur a cessé, leur âme s’est élargie vers plus d’objets. L’œuvre ne s’est plus reproduite peut-être aussi saillante aux yeux du public qu’au début ; mais la faculté qui se ma-