Page:Sainte-Beuve - Portraits contemporains, t1, 1869.djvu/349

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à la beauté naturelle, d’une âme aussi largement ouverte à la réfléchir, se distinguent dans la manière dont ils s’élèvent et par laquelle ils arrivent à l’embrasser, à la dominer. Lamartine y va toujours par le plus droit chemin, d’un seul essor, en vue de tous. S’il est curieux de détail en un endroit, c’est comme par accident ; il s’élance de là ensuite d’un plein vol, et ne cherche pas à lier le petit au grand par une subtilité symbolisante, heureuse peut-être, mais détournée. Ainsi, quand ses deux personnages, Jocelyn et Laurence, du sein de leur montagne, chantent le printemps, c’est tout ce qu’il y a de plus direct en naissance de sentiments, de plus trouvé d’abord, quoique bientôt aussi élevé que possible. Wordsworth, lui, ne procède pas de cette sorte. Pour arriver à des hauteurs égales, il se dérobe par des circuits nombreux, compliqués. Je prends presque au hasard, dans le dernier recueil qu’il a publié (Yarrow revisited) deux ou trois termes de comparaison. S’il monte au sommet d’un mont, et qu’il veuille en s’asseyant bénir Dieu au bout du pèlerinage, il fera, par exemple, le sonnet suivant auquel il donnera pour titre :

REPOSEZ-VOUS ET REMERCIEZ.
au sommet de glencroe.

Ayant monté longtemps d’un pas lourd et pesant
Les rampes, au sommet désiré du voyage,
Près du chemin gravi, bordé de fin herbage,
Oh ! qui n’aime à tomber d’un cœur reconnaissant ?

Qui ne s’y coucherait, délassé, se berçant