puissant dans son jet et dans sa source, c’est à lui de voir si, par ce cri d’alarme, nous signalons un naufrage ou si nous le prévenons. Dans tous les cas, en acceptant ce pénible rôle de noter les arrêts, les chutes et les déclins avant terme, de tant d’esprits que nous admirons, nous voulons qu’on sache bien qu’aucun sentiment en nous ne peut s’en applaudir. Hélas ! leur ruine (si ruine il y a) n’est-elle pas la nôtre, comme leur triomphe tant de fois prédit eût fait notre orgueil et notre joie ? La sagacité du critique se trouvait liée à leurs destinées de poëtes fidèles et d’écrivains révérés ; le meilleur de nos fonds était embarqué à bord de leurs renommées, et l’on se sent périr pour sa grande part dans leur naufrage.
J’ai peu à ajouter à ces articles au point de vue littéraire,
et toute la gamme des sentiments du critique, depuis l’enthousiasme
premier jusqu’au temps d’arrêt et à la résistance
finale, vient d’être, ce me semble, parcourue et comme
épuisée. (Joignez-y encore, si vous le voulez, ce que j’ai dit
des Confidences et de Raphaël, au tome Ier des Causeries du Lundi, et l’article sur l’Histoire de la Restauration, au
tome IV des mêmes Causeries.) — J’avoue mon faible et ma
chimère : j’avais conçu pour tous ces grands hommes, ces
grands esprits et talents de ma génération, ou de la génération
immédiatement antérieure, un idéal de caractère et de carrière
qu’ils n’ont pas rempli ou qu’ils ont vite dépassé et traversé
d’outre en outre. J’aurais voulu, par exemple, un La Mennais
devenu catholique et libéral, comme au lendemain de l’Avenir,
mais ayant la force de demeurer tel sous le coup même