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Page:Sainte-Beuve - Portraits contemporains, t1, 1869.djvu/409

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VICTOR HUGO.

collection forme trois volumes. Il y écrivit une foule de vers politiques et d’articles critiques qui n’ont jamais été reproduits et qu’il est difficile aujourd’hui de reconnaître sous les initiales diverses et les noms empruntés dont les signait l’auteur. Les traductions de Lucain et de Virgile, par M. d’Auverney, les Tu et les Vous, Épître à Brutus, par Aristide, appartiennent réellement à Victor Hugo ; la facture de ces vers est classique, c’est-à-dire ferme et pure ; ce sont d’excellentes études de langue, et, dans la satire, l’auteur a la verve amère et mordante. Je recommanderai encore plusieurs articles sur Walter Scott, un sur Byron, un sur Moore, un sur les premières Méditations poétiques qui avaient paru d’abord sans nom d’auteur. Ce qui domine dans ce dernier et remarquable jugement, c’est un cri de surprise, un étonnement profond qu’un tel poëte s’élève, qu’un tel livre paraisse, un grain de sévérité littéraire et puriste, un sourire de pitié au siècle qui se dispose sans doute à railler le noble inconnu. Je ne puis résister à en donner quelques phrases ; le critique vient de faire une citation : « À de pareils vers, dit-il, qui ne s’écrierait avec La Harpe : Entendez-vous le chant du poëte ?… Je lus en entier ce livre singulier, je le relus encore, et, malgré les négligences, les néologismes, les répétitions et l’obscurité que je pus quelquefois y remarquer, je fus tenté de dire à l’auteur : « Courage, jeune homme ! vous êtes de ceux que Platon voulait combler d’honneurs et bannir de sa république. Vous devez vous attendre aussi à vous voir banni de notre terre d’anarchie et d’ignorance : et