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PORTRAITS CONTEMPORAINS.

aveux brûlants à ce cœur inflammable et crédule ; depuis ce jour, Noun est sa conquête ; il lui a sacrifié un voyage à Paris qu’il devait faire ; il la vient visiter de nuit, par-dessus les murs du parc, au risque de se casser le cou : il va venir ce soir-là même ; mais le factotum, ancien sergent, a prévenu le colonel que des voleurs de charbon s’introduisent depuis plusieurs nuits, qu’on a saisi des traces, et qu’il est prudent de surveiller. M. Delmare trouve l’occasion heureuse pour secouer son ennui, et voyant que l’aventure prend une tournure guerrière, il sort, malgré la pluie et ses rhumatismes, avec son fusil de chasse, décidé à se faire justice.

Les voleurs soupçonnés ne sont autre que Raymon de Ramière : il est blessé ; on le transporte au logis ; Indiana le soigne. Revenu à lui, il prétexte à son escapade un motif improvisé qui ne paraît pas trop chimérique. Plus tard, à Paris, il retrouve Indiana dans un bal. Bref, le séducteur de la femme de chambre devient amoureux de la maîtresse, et n’est pas rejeté. Cette situation difficile est admirablement ménagée et déduite dans le roman ; dès le début, le drame est à son comble. Indiana ignore que l’homme qu’elle distingue, et qui semble lui devoir rendre l’espérance, le goût de la vie, s’est adressé à une autre qu’elle, et si près : le jour où Noun sait tout, ou plutôt la nuit orageuse et sinistre de cette découverte, la pauvre fille se noie. Indiana ne comprend pas encore, elle s’explique moins profondément qu’il ne convient cette catastrophe funeste arrivée à sa compagne chérie ; elle ne peut et n’ose deviner.