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GEORGE SAND.

— Lélia, 1833. —

On doit être frappé du singulier mouvement moral et littéraire qui se déclare en France chez les femmes, d’une manière croissante, depuis les dernières années. À toutes les époques, sans doute, des personnes du sexe, nées la plupart dans des conditions de loisir où la culture de l’esprit est facile, avaient attiré l’attention par des romans, des lettres, des poésies, des livres d’éducation. Mme  de Staël avait uni à des dons puissants d’imagination et de sensibilité un coup d’œil politique et philosophique fort étendu ; mais elle faisait exception dans son sexe, et, depuis elle, la prétention de nos femmes, même les plus distinguées, s’était restreinte à des chants suaves, à de délicates peintures, à une psychologie fine et tendre sous l’aile du christianisme. Or, voici que depuis trois ans environ, depuis que, d’une part, le bon ton rangé et le vernis moral de la Restauration ont disparu, et que, d’autre part, le Saint-Simonisme a fait entendre ses cris d’émancipation et ses appels multipliés, voici que l’esprit d’indépendance a remué les femmes comme le reste, et qu’une multitude d’entre elles prenant la pa-