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CHATEAUBRIAND.

Trappe, dans le cabinet de l’abbé, que quelques estampes de dévotion sur des murailles blanches : cette page-ci est décidément trop belle, je la détache et je l’emporte avec moi.

15 mai 1844.

(Parmi les jugements proprement dits, qui ont paru au sujet de la Vie de Rancé, nous indiquerons les très-beaux et très-respectueux articles de M. Vinet, dans le Semeur (22, 29 mai et 28 août 1844), et de plus quelques pages de la Revue suisse publiée à Lausanne (numéro de juin 1844, pages 380-383) ; ces pages ont de la portée.)


Tels sont ces articles sur Chateaubriand qui m’ont valu, par la suite, tant d’injures, et au nom desquels on m’a contesté le droit d’étudier plus à froid et de juger Chateaubriand mort à un point de vue toujours admiratif, mais moralement plus vrai et plus réel. Je dirai de plus que le caractère de mes relations avec M. de Chateaubriand a été tout à fait méconnu et défiguré à plaisir par des critiques, venus depuis et qui ne se sont pas rendu compte des vrais rapports naturels entre une ardente jeunesse qui s’élève et une gloire déclinante qui vieillit. — Je ne désirai jamais être présenté à M. de Chateaubriand : ce fut M. Villemain qui, le premier, eut pour moi cette gracieuse idée en 1829. Il vint me prendre un soir d’été dans ma chambre de la rue Notre-Dame-des-Champs pour me mener chez M. de Chateaubriand, logé alors rue d’Enfer, à l’hospice Marie-Thérèse, et qui allait repartir pour son ambassade de Rome. Nous trouvâmes M. de Chateaubriand au jardin. J’avais déjà publié mon Tableau de la Poésie française au xvie siècle, les Poésies de Joseph Delorme, et des articles dans le Globe et dans la Revue de Paris ; il me prit tout d’abord à partie sur un des derniers articles, celui de Jean-Baptiste Rousseau. Il rentra avec nous au salon, et la conversation roula sur La Harpe, qu’il avait connu. M. Ville-