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Page:Sainte-Beuve - Portraits contemporains, t2, 1869.djvu/168

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MADAME TASTU.

1835.

(Poésies nouvelles.)

Le talent de poésie tel qu’on aime à se le figurer, de poésie lyrique principalement, semble n’être départi à quelques êtres privilégiés que pour rendre avec harmonie les sentiments dont leur âme est émue, l’expression ne faisant que suivre en modération ou en énergie le soupir intérieur, comme la gaze suit les battements du sein, comme la voile se prête au vent. Mais, à observer la réalité, il n’en va pas ainsi. Le talent qui, dans le premier et bel hyménée de la jeunesse, ne fait qu’un d’ordinaire avec les sentiments dont une âme est possédée, s’il est fort, abondant, de trempe durable, s’en sépare bientôt, et devient jusqu’à un certain point distinct du fond même de l’âme. La sensibilité et le talent suivent, chose remarquable, une marche presque inverse : la sensibilité s’émousse, s’attiédit, se désabuse ; elle en vient parfois à se concentrer en des buts fort restreints ; le talent s’affermit, s’assouplit, se