Veut de la patience, et nos gens ont du feu.
Ce qui est vrai jusqu’ici de presque tous nos poëtes, excepté Molière et peut-être Corneille, ce qui est vrai de Marot, de Ronsard, de Régnier, de Malherbe, de Boileau, de Racine et d’André Chénier, l’est aussi de La Fontaine : lorsqu’on a parcouru ses divers mérites, il faut ajouter que c’est encore par le style qu’il vaut le mieux. Chez Molière au contraire, chez Dante, Shakspeare et Milton, le style égale l’invention sans doute, mais ne la dépasse pas ; la manière de dire y réfléchit le fond, sans l’éclipser. Quant à la façon de La Fontaine, elle est trop connue et trop bien analysée ailleurs pour que j’essaye d’y revenir. Qu’il me suffise de faire remarquer qu’il y entre une proportion assez grande de fadeurs galantes et de faux goût pastoral, que nous blâmerions dans Saint-Évremond et Voiture, mais que nous aimons ici. C’est qu’en effet ces fadeurs et ce faux goût n’en sont plus, du moment qu’ils ont passé sous cette plume enchanteresse, et qu’ils se sont rajeunis de tout le charme d’alentour. La Fontaine manque un peu de souffle et de suite dans ses compositions ; il a, chemin faisant, des distractions fréquentes qui font fuir son style et dévier sa pensée ; ses vers délicieux, en découlant comme un ruisseau, sommeillent parfois, ou s’égarent et ne se tiennent plus ; mais cela même constitue une manière, et il en est de