Page:Sainte-Beuve - Portraits littéraires, t3, nouv. éd.djvu/11

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

THÉOCRITE


I

La poésie grecque, qui commence avec Homère, et qui ouvre par lui sa longue période de gloire, semble la clore avec Théocrite ; elle se trouve ainsi comme encadrée entre la grandeur et la grâce, et celle-ci, pour en être à faire les honneurs de la sortie, n’a rien perdu de son entière et suprême fraîcheur. Elle n’a jamais paru plus jeune, et a rassemblé une dernière fois tous ses dons. Après Théocrite, il y aura encore en Grèce d’agréables poëtes ; il n’y en aura plus de grands. « La lie même de la littérature des Grecs dans sa vieillesse offre un résidu délicat ; » c’est ce qu’on peut dire avec M. Joubert des poëtes d’anthologie qui suivent. Mais Théocrite appartient encore à la grande famille ; il en est par son originalité, par son éclat, par la douceur et la largeur de ses pinceaux. Les suffrages de la postérité l’ont constamment maintenu à son rang, et rien ne l’en a pu faire descendre. À un certain moment, les mêmes gens d’esprit qui s’attaquaient à Homère se sont attaqués à Théocrite. Tandis que Perrault prenait à partie l’Iliade, Fontenelle faisait le procès aux Idylles ; il n’y a pas mieux réussi. C’est toujours un étonnement pour moi, je l’avoue, de voir qu’un esprit aussi supé-