rieur que Fontenelle n’ait pas mieux compris, tout berger normand qu’il était, qu’en ce parallèle des anciens et des modernes il y avait des genres dans lesquels les anciens devaient presque nécessairement avoir la prééminence, quelle que fût la revanche des modernes sur d’autres points. Lui qui a si ingénieusement et si justement comparé la suite des âges et des siècles à la vie d’un seul homme, lequel, existant depuis le commencement du monde jusqu’à présent, aurait eu son enfance, sa jeunesse, sa maturité, comment n’a-t-il pas reconnu que cet âge de jeunesse qu’il rejetait dans le passé était en effet le plus propre à un certain épanouissement naturel et riant, dont l’à-propos ne se retrouve plus ? Un vieux poëte du seizième siècle (Pontus de Thyard), ayant à définir les Grâces, l’a fait en des termes qui reviennent singulièrement à ma pensée : « Des trois Grâces, dit-il, la première étoit nommée Aglaé, la seconde Thalie, et la tierce, Euphrosyne. Aglaé signifie splendeur, qu’il faut entendre pour celle grâce d’entendement qui consiste au lustre de vérité et de vertu. Thalie signifie la verde, agréable et gentille beauté : à savoir celle des linéaments bien conduits et des traits, desquels la verde jeunesse est coutumière de plaire. Euphrosyne est la joie que nous cause la pure délectation de la voix musicale et harmonieuse. » Sans insister sur les distinctions un peu platoniques du vieil auteur, il me suffit des traductions vives qu’il emploie pour éclairer la discussion même. Car cette Thalie, comme il l’appelle, cette verte et agréable beauté de la muse pastorale, à quel âge du monde ira-t-on la demander, si ce n’est à sa jeunesse ? et Théocrite nous représente bien cette jeunesse finissante, qui se retourne une dernière fois et ressaisit comme d’un coup d’œil tous ses charmes avant de s’en détacher. Fontenelle a beau définir la maturité actuelle du monde une virilité sans vieillesse, et dans laquelle l’homme sera toujours également capable des choses auxquelles sa jeunesse était propre, il est bien clair que cette capacité s’applique peu aux sentiments,
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