Page:Sainte-Beuve - Portraits littéraires, t3, nouv. éd.djvu/47

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Au moment où elle montre Delphis franchissant le seuil d’un pied léger, Simétha qui, à cette fin de couplet, n’a pas terminé sa phrase, jette le refrain comme entre parenthèses, et le sens se continue après cette suspension d’un instant. En un mot, le sens passe à travers le refrain comme sous l’arche d’un pont. Fontenelle a trouvé une occasion de raillerie dans cette irrégularité qui est une grâce.

Nous en sommes au moment où Delphis prend la parole ; et quoique ce soit Simétha qui nous le traduise, quoiqu’en nous rendant son discours elle continue certainement de le trouver plein de séduction et tout fait pour persuader, il nous est impossible, à nous qui sommes de sang-froid, de ne pas juger que ce beau Delphis était passablement fat et qu’il ne s’est guère donné la peine de paraître amoureux. Une de ses victoires lui en rappelle aussitôt une autre : « Oui, certes, Simétha, dit-il, tu m’as prévenu juste autant qu’il m’est arrivé l’autre jour de devancer à la course le gracieux Philinus. » Par là pourtant il veut dire (car il est galant) qu’elle ne l’a devancé que de très-peu. Il donne presque sa parole d’honneur que, si elle ne l’eût mandé, il venait de lui-même à sa porte et pas plus tard que cette nuit ; il y venait avec trois ou quatre amis, dans tout l’appareil d’un vacarme nocturne ou d’une sérénade ; et si on l’avait reçu, c’était bien, il n’aurait demandé que peu pour cette première fois ; mais si on l’avait repoussé et si la porte avait été fermée au verrou, oh ! c’est alors que les haches et les torches auraient fait rage. Quant à présent, poursuit-il, il n’a que des actions de grâces à rendre à Cypris d’abord, et puis à celle qui, en l’envoyant appeler, l’a tiré véritablement du feu où il était déjà à demi consumé. Les paroles avec lesquelles il termine rentrent dans le sérieux, et trahissent tout haut sa réflexion secrète : « À ce qu’il semble, dit-il, Amour brûle souvent d’une flamme plus ardente que Vulcain de Lipare. Avec ses méchantes fu-