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PENSÉES


On me permettra de terminer ce volume comme j’ai fait déjà pour quelques-uns des volumes précédents, je veux dire par quelques Pensées familières qui s’adressent moins au public des lecteurs qu’à des habitués et à des amis.


I
(Près d’Aigues-Mortes, 1839.)

Mon âme est pareille à ces plages où l’on dit que saint Louis s’est embarqué : la mer et la foi se sont depuis longtemps, hélas ! retirées, et c’est tout si parfois, à travers les sables, sous l’aride chaleur ou le froid mistral, je trouve un instant à m’asseoir à l’ombre d’un rare tamarin.

II
(Marseille, 1839.)

À quoi suis-je sensible désormais ? à des éclairs : l’autre jour j’en eus un bien doux. Nous voguions le soir hors du port, nous allions rentrer : une musique sortit, elle était suivie d’une quarantaine de petites embarcations qu’elle enchaînait à sa suite et qui la suivaient en silence et en cadence. Nous suivîmes aussi. Le soleil couché n’avait laissé de ce côté que quelques rougeurs ; la lune se levait et montait déjà pleine et ronde : la Réserve et les petits