poëte ordinaire de sa petite Cour ? On conçoit donc qu’il y aurait dans ce sujet matière à une discussion délicate, et qu’on en pourrait faire un piquant chapitre qui traverserait l’histoire littéraire du xvie siècle. Mais, dans aucun cas, il n’y aurait à en tirer de conclusion sévère et maussade contre les charmants esprits de ces rois et reines, amateurs des Muses. L’honneur de leur suzeraineté, de leur coopération intelligente et gracieuse, resterait hors de cause ; seulement la part du métier reviendrait à qui de droit.
Tant que François Ier fut prisonnier en Espagne, il composa incontestablement sans secours et sans aide de longues épîtres non moins ennuyeuses qu’ennuyées ; à sa rentrée en France, ses vers prirent plus de vivacité, et la joie du retour, sans doute aussi le voisinage des bons poëtes, l’inspira mieux. Gaillard, qui avait feuilleté en manuscrit les Poésies du prince, a noté avec sens les meilleurs vers qu’on y distingue. Je ne rappellerai que ce couplet d’une ballade, qui gagne à être isolé des couplets suivants ; pris à part, c’est un dizain des plus frais et des plus vifs ; on dirait que le rayon matinal y a touché :
Estant seullet auprès d’une fenestre
Par ung matin, comme le jour poignoit,
Je regarday Aurore, à main senestre,
Qui à Phebus le chemyn enseignoit.
Et d’autre part m’amye qui peignoit
Son chef doré, et viz sez luysans yeulx,
Dont me gecta ung traict si gracieulx,
Qu’à haulte voix je fuz contrainct de dire :
Dieux immortelz ! rentrez dedans vos cieulx,
Car la beaulté de ceste vous empire.
Je retourne le feuillet, et je lis à la page suivante cet autre dizain, non moins égayé, mais qui est de Marot :
May bien vestu d’habit reverdissant,
Semé de fleurs, ung jour se mist en place,