Page:Sainte-Beuve - Portraits littéraires, t3, nouv. éd.djvu/77

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penser, c’est cette petite circonstance qui se retrouve dans les deux pièces, a lœva, à main senestre. Est-ce pur hasard ? Serait-ce qu’un roi a pu avoir de ces réminiscences d’érudit ?

Au reste, ce n’est pas nous qui refuserons à François Ier des traits d’emprunt ou de rencontre, des saillies heureuses, des maximes galantes et un peu subtiles, quand il suffit d’un petit nombre de vers pour les exprimer ; il n’y a rien là qui excède la portée de talent qu’on est en droit d’attendre d’un prince spirituel et qui avait eu de tristes loisirs pour s’exercer. On regrette plutôt de n’avoir pas à noter plus souvent chez lui des bagatelles aussi bien tournées que celle-ci par exemple :

Elle jura par ses yeulx et les miens,
Ayant pitié de ma longue entreprise,
Que mes malheurs se tourneroient en biens ;
Et pour cela me fut heure promise.
Je crois que Dieu les femmes favorise :
Car de quatre yeulx qui furent parjurez,
Rouges les miens devindrent, sans faintise ;
Les siens en sont plus beaulx et azurez.

Sachons seulement que ce n’est là qu’une très-agréable paraphrase, mais cette fois une paraphrase évidente de ces vers d’Ovide en ses Amours (liv. III, élég. 3) :

Perque suos illam nuper jurasse recordor,
Perque meos oculos ; et doluere mei.

Voici encore un sixain délicat, où le doux nenny est aux prises avec le sourire ; nous le donnons ici dans toute sa correction :

Le desir est hardy, mais le parler a honte ;
Son parler tramble et fuyt, l’aultre en fureur se monte ;
L’ung fainct vouloir ung gaing, dont il souhaite perte ;
L’ung veult chose cacher que l’aultre fait apperte ;