d’avoir été l’un des bons artisans du franc et naïf langage.
Mais, dira-t-on, c’est surtout l’école érudite, celle de la seconde moitié du xvie siècle, qui procède ainsi ; la génération antérieure, qui se rattache à Marot et à l’époque de François Ier, est moins sujette à cette préoccupation constante et à cet artifice. Je l’accorderai sans peine ; et pourtant, là aussi, on marche à chaque pas sur des traductions et des imitations indiquées ou sous-entendues. Je prends le petit recueil des Poésies de Bonaventure des Periers, le poëte valet de chambre de Marguerite de Navarre[1] ; j’y cherche et j’y glane à grand’peine quelques bons vers ou du moins quelques vers passables ; mais tout d’un coup une jolie pièce m’arrête et me réjouit : les Roses, dédiées à Jeanne, princesse de Navarre, qui sera la mère d’Henri IV. De prime abord, c’est d’un coloris neuf et charmant.
Un jour de may, que l’aube retournée
Refraischissoit la claire matinée
D’un vent tant doulx…
L’aube duquel avoit couleur vermeille
Et vous estoit aux roses tant pareille
Qu’eussiez doublé si la belle prenoit
Des fleurs le tainet, ou si elle donnoit
Le sien aux fleurs, plus beau que nulles choses :
Un mesme tainat avoient l’aube et les roses.
- ↑ À Lyon, Jean de Tournes, 1544.