Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/107

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brûler, puis cet autre, puis ce toit, songeant en vous-même où vous coucheriez demain ! - La pauvreté peut-être aussi, comme il arrive subitement en nos temps de vicissitudes vous a saisi au dépourvu, et vous avez formé des résolutions fortes et pieuses de travail pour le soutien des vôtres. Enfin mon ami, vous avez passé à coup sûr par quelqu'une de ces heures sacrées où la vie humaine s'entrouvre violemment sous la verge d'airain et où le fond réel se découvre... Eh bien ! en ces moments dites-moi, à ces heures de vraie vie, de vie déchirée et profonde, dites si l'idée a pu s'en présenter à vous que vous ont paru les sens et les images qui les flattent, et leurs plaisirs ? dites :

Combien bas ! honteux ! déviés ! extinction de tout esprit et de toute flamme, et pour parler sans nuances crapuleux dans leur ivresse et abrutissants dans leur pâture ! Oui, si durant une veille de la Toussaint, sous les portiques de marbre du plus beau cloître sicilien baigné par les flots quand la procession des moines circule à pieds nus sur les dalles, chantant les prières qui délivrent, - si tout d'un coup, à travers les grilles des soupiraux, s'exhalait une infecte bouffée des égouts de nos grandes villes l'effet ne serait pas autre que celui des plaisirs et de la volupté, quand ils nous reviennent en ces moments où la douleur sévère, la mort, l'amour en ce qu'il a d'éternel, triomphent et nous retrempent dans la réalité des choses de Dieu.

Chaque fois que, du sein de ces ondes mobiles et contradictoires où nous errons, le bras du Puissant nous replonge dans le courant secret et glacé, dans cette espèce de Jourdain qui se dirige, d'une onde rigoureuse, au-dessous des tiédeurs et des corruptions de notre Océan, à chaque fois nous éprouvons ce même frisson de dégoût soulevé par l'idée de la Sirène, et nous vomissons les joies de la chair.

Et si cela nous affecte ainsi, parce qu'une douleur purifiante nous visite et que nous assistons à la mort des autres demandons-