Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/206

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« Je n'entends rien à ces sujets, balbutiait-elle ; mais puisque les désirs, qui vont croissant, à ce que vous prétendez, diminuent au contraire et passent (vous en convenez vous-même) une fois qu'ils sont satisfaits, pourquoi ne pas supposer à l'avance qu'ils sont satisfaits dès longtemps, et ne pas garder tout de suite le simple et doux sentiment qui doit survivre ! ? " Avant d'achever ces mots, elle avait rougi de mille couleurs. - “ Et voilà votre grand moyen, lui dis-je : est-ce donc qu'on peut supposer ces chose ; à volonté, enfant que vous êtes !”

— Mais il lui semblait que cette supposition pouvait toujours se faire. “Allons, consolez-vous, ajoutai-je ; je sais moi, un moyen plus efficace que le vôtre. J'ai remarqué que le désir, en ce qu'il a de fixe, d'habituel et d'incorrigible, est toujours un peu en raison de l'espérance. C'est d'espérance toujours que se nourrit obscurément et à la dérobée le désir, sans quoi il finirait par périr d'inanition et du sentiment de son inutilité. Le désir n'est guère qu'une première espérance aveugle, audacieuse, déguisée et jetée en avant au hasard comme une sentinelle perdue près du camp ennemi ; mais il sent derrière lui, pour se soutenir, le groupe des autres espérances. Or, je me convaincrai bien par rapport à vous, Madame, du néant de toute espérance, et je découragerai ainsi mon désir. ” - “ Eh bien ! C'est cela, me dit-elle ; j'étais bien sûre qu'il y avait en effet un moyen ; vous l'avez trouvé. Et puis il ne s'agit que de veiller là-dessus peu d'années encore ; l'âge viendra assez tôt, qui, de lui-même, arrangera tout. ” C'est par de tels échanges ingénus ou subtils, qu'en ces derniers moments d'illusion mutuelle, se flattaient et s'épanouissaient nos cœurs.

Chez M. de Vacquerie, où nous étions allés à travers notre promenade, il avait été dit dans la conversation je ne