Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/239

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

si charmant, on est monté une fois ou deux peut-être, sans rien y voir de ce qu'on se figurait d'en bas ; on s'est lassé, et l'on est redescendu, le cœur et les pieds saignants, dans les ronces. Et l'astre désormais a beau luire, le bouquet d'en haut a beau s'éclairer, des voix plus émues, des blancheurs plus légères ont beau en sortir et inviter ; on regarde d'en bas d'un air incrédule, on ne veut risquer aucun essor, et l'on s'interdit ce que tout inspire ! ” - Ce dernier mot la frappa, et, le reprenant avec un sourire moins triste encore que malicieux et tendre, elle s'en appliqua la vérité : “ Eh bien ! soit ! on ne veut plus risquer de monter ”, dit-elle.

Ceci se passait dans son salon et je dus la quitter pour sa toilette et quelque visite qu'elle avait à faire. Une demi-heure après environ de retour du village et du bois où j'avais erré, je rentrai chez elle, et, ne l'y croyant pas encore revenue, j'allai dans le parc continuer à pas lents mon attente. Mais je l'aperçus elle-même au bout d'une allée du fond pensive, arrêtée, et semblant contempler avec attention un effet singulier de lumière, qui, au milieu d'un paysage assez obscurci, illuminait juste le sommet d'une petite butte verdoyante et le bouquet d'acacias qui la couronnait. On était sur la fin d'avril, et il faisait un doux ciel de cette saison à demi voilé en tous sens d'un rideau de nuages floconneux et peu épais un ciel très bas légèrement cerné de toutes parts à l'horizon comme un dais enveloppé, mais diminuant d'opacité et de voile à mesure qu'on approchait du centre, et là seulement, tout à fait dégagé au milieu, à l'endroit où les rayons verticaux de l'astre avaient la force de percer, un vrai ciel de demi-fête et d'espérances naissantes ; un de ces ciels comme on accuserait un peintre, qui le ferait, de le faire peu naturel et bizarre, et qui peut-être serait tel en peinture immobile, tandis que c'est un charme et